Depuis l’annonce de la série Harry Potter par HBO, les débats enflammés ne manquent pas. Prévue pour être une adaptation fidèle de chaque tome – une saison par livre – la série affiche des ambitions claires : revisiter l’œuvre avec un casting inclusif, tout en respectant l’essence des romans grâce à J.K. Rowling elle-même, qui officie comme productrice exécutive. Une équation compliquée.
Dernier point de tension ? L’acteur Paapa Essiedu, pressenti pour incarner Severus Rogue, un rôle déjà iconique grâce à la performance inoubliable d’Alan Rickman. Cette annonce a déclenché une vague de réactions, oscillant entre racisme décomplexé et interrogations légitimes sur le respect des descriptions originales des personnages. Alors, on a ressorti nos vieux bouquins pour vous livrer tout ce que les textes nous disent sur ce maître des potions inimitable.
Quelle description physique pour Rogue dans les livres ?
Les Potterheads le savent probablement, mais ce que beaucoup ignorent, c’est que derrière le personnage de Severus Rogue se cache une inspiration bien réelle. J.K. Rowling a avoué s’être inspirée d’un professeur de chimie qu’elle avait eu à l’école. L’homme, strict et souvent cassant, n’hésitait pas à humilier ses élèves pour asseoir son autorité. Pas vraiment le genre de souvenir qu’on encadre sur la cheminée, mais une excellente base pour créer un personnage à la fois intimidant et inoubliable.
Dans les livres, cette austérité se reflète parfaitement dans son apparence. Dès sa première apparition dans Harry Potter à l’école des sorciers, Rogue impose une aura difficile à ignorer. Dans le chapitre 7, alors que Harry découvre Poudlard, J.K. Rowling écrit :
« Le professeur Quirrell, avec son ridicule turban, parlait à un professeur aux cheveux noirs et gras, un nez crochu et une peau cireuse. »
3 détails suffisent pour dresser un portrait presque caricatural : on devine un homme austère, presque inquiétant, loin des archétypes du héros flamboyant.
Dans Harry Potter et la Coupe de Feu, alors que Rogue apparaît dans toute sa majesté froide, un autre passage capture son essence visuelle : « ses cheveux gras encadraient son visage mince comme deux rideaux sombres. » Ce détail revient régulièrement, renforçant cette impression d’un homme qui s’efface presque dans l’obscurité qu’il incarne.
Des yeux noirs et un visage marqué par la rancune
Il n’est pas juste sombre, il incarne l’ombre. Ses vêtements sont décrits de manière obsessionnelle dans les livres : des robes longues, sombres, qui semblent absorber toute lumière, comme le souligne Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé. Ce choix n’est pas juste esthétique, il dit quelque chose de profond sur lui. Rogue n’est pas du genre à porter un pull jaune poussin un jour de pluie – il vit dans les ombres, physiquement et métaphoriquement.
Mais ce qui frappe davantage que ses vêtements ou sa chevelure, ce sont ses yeux. Ces derniers sont souvent décrits comme « noirs », « froids » ou « morts ». Dans Harry Potter et les Reliques de la Mort, Harry, rongé par la haine envers son ancien professeur, est confronté à son apparence :
« Il avait oublié les détails de son visage dans l’ampleur de ses crimes, oublié comment ses cheveux gras pendaient comme des rideaux autour de son visage maigre, et comment ses yeux noirs avaient une expression morte, glaciale. »
Si l’apparence de Rogue est décrite avec une précision presque chirurgicale – ses cheveux gras, son teint cireux, ses yeux noirs perçants – ce n’est pas là que réside l’essence du personnage. Ce qui rend Rogue inoubliable, c’est sa profondeur psychologique. Ses regrets dévorants, son amour tragique et silencieux pour Lily Potter, et sa loyauté discrète, presque invisible, envers Harry, en dépit de leur relation conflictuelle. C’est un homme qui agit dans l’ombre, sans jamais chercher la reconnaissance, ce qui le rend à la fois fascinant et terriblement humain.
Paapa Essiedu dans le rôle de Rogue
Depuis que le nom de Paapa Essiedu est sorti pour le rôle de Severus Rogue dans la future série HBO, les réseaux s’enflamment. D’un côté, une vague de commentaires racistes qu’on ne devrait même plus avoir à lire en 2024. De l’autre, des fans curieux de savoir si cet acteur pourra relever le défi de succéder à Alan Rickman. Alors, remettons les choses en place : le talent de Paapa Essiedu n’est pas une question d’opinion, c’est un fait.
En 2016 (à seulement 26 ans) il décroche le prestigieux prix Ian Charleson pour ses rôles dans Hamlet et Le Roi Lear avec la Royal Shakespeare Company. Un bel exploit, qui ne fait que confirmer ce que ses spectateurs avaient déjà remarqué : Paapa Essiedu sait incarner des personnages complexes, chargés d’émotions et de dilemmes. Son rôle dans I May Destroy You lui vaut ensuite des nominations aux Emmy Awards et aux BAFTA, preuve supplémentaire qu’il sait naviguer dans les zones grises de l’âme humaine – un trait essentiel pour jouer Rogue.
Alors oui, son choix surprend. On s’éloigne de l’image d’un Severus Rogue conforme à la description des livres : cheveux gras, nez crochu, teint cireux. Ce contraste peut déconcerter et il serait malhonnête de l’ignorer. Mais au fond, que demande-t-on d’un Rogue convaincant ? De capturer l’essence d’un homme qui jongle entre douleur, regrets et loyauté, et qui cache tout cela derrière une façade glaciale. Sur ce terrain, Paapa Essiedu a déjà fait ses preuves. Et si le débat devait se concentrer quelque part, ce n’est sûrement pas sur la couleur de peau de l’acteur.
Et si Hermione brisait aussi les conventions ?
Vous vous souvenez de la polémique autour de Noma Dumezweni dans le rôle d’Hermione Granger pour Harry Potter et l’Enfant maudit ? À l’époque, certains fans ont crié au scandale, s’accrochant à l’idée que leur Hermione devait forcément être blanche. Leur argument principal ? Une phrase dans les livres où Hermione "devient blanche comme un linge" sous le choc. Pour eux, cela scellait son appartenance ethnique. J.K. Rowling, fidèle à son franc-parler, n’a pas laissé passer. Elle a déclarait :
"J’ai eu affaire à une bande de racistes me disant que, parce qu’Hermione ‘devient blanche’ — c’est-à-dire qu’elle perd de la couleur après un choc —, elle doit forcément être une femme blanche, ce que j’ai beaucoup de mal à accepter. Mais j’ai décidé de ne pas trop m’agiter à ce sujet et simplement d’affirmer clairement qu’Hermione peut être une femme noire avec ma bénédiction absolue et mon enthousiasme."
Noma Dumezweni a ensuite pris le rôle à bras-le-corps. Elle a livré une Hermione forte, humaine, toujours un peu à l’écart mais prête à tout pour ceux qu’elle aime. Finalement, ce débat ressemble beaucoup à celui autour de Paapa Essiedu en Rogue : un personnage qu’on connaît par cœur, mais qui peut encore nous surprendre quand on ose le voir sous un autre angle. Une bonne interprétation, c’est celle qui fait vibrer l’âme du rôle, peu importe le visage.
